Oct 20, 2012

Le Figaro: 'Les nationalistes reprennent la main au Pays basque' #NewEuropeanStates #eu #politics

Après la Catalogne, le Pays basque? Les nationalistes, en tout cas, y
reviennenten force. En Euskadi - le nom de la communauté autonome -,
au terme de trois ans et demi de vie commune cahin-caha, les deux
grandes forces politiques espagnoles, Parti socialiste (PSOE) et Parti
populaire (PP, droite), ne semblent pas en mesure de renouveler leur
majorité parlementaire et de continuer à cogérer la région. Selon tous
les sondages, lors des élections régionales de ce dimanche, le Parti
nationaliste basque (PNV, centre droit) s'imposera comme la première
force politique. Et, sauf immense surprise, le candidat des
nationalistes, Íñigo Urkullu, sera couronné prochain lehendakari
(président du gouvernement basque).

Pour le PNV, il s'agirait au fond d'un retour… à la normale. Les
nationalistes modérés ont dirigé le Pays basque pendant vingt-neuf
ans, de 1980 à 2009. Seul le pacte inattendu entre la gauche et la
droite espagnoles, après les dernières élections, avait permis au
socialiste Patxi López de s'emparer du pouvoir, au nez et à la barbe
des nationalistes. «Dès le premier jour, le PNV a dénoncé cet accord
et considéré que López n'était pas légitime», rappelle Antonio Santos,
journaliste au service politique du quotidien régionalEl Correo.
La tenaille séparatiste

Aujourd'hui, le contexte est exceptionnel. L'Espagne, en plein marasme
économique, se pose des questions existentielles. La Catalogne,
l'autre région de forte tradition nationaliste, menace de faire
sécession. Et au Pays basque, les indépendantistes radicaux - classés,
selon les enquêtes, à quelques points seulement des nationalistes du
PNV - se sentent pousser des ailes. Car l'abandon de la lutte armée
par l'organisation séparatiste ETA, après trente ans de terrorisme,
favorise EH Bildu. La coalition est le dernier avatar de la gauche
abertzale («patriote»), un mouvement longtemps considéré comme la
vitrine politique d'ETA et rejeté, il y a encore peu de temps, dans
l'illégalité.

À Bilbao, les abertzale tenaient meeting mardi dernier dans le Casco
Viejo, le quartier historique. Le vert pomme du logo d'EH Bildu
illuminait la Plaza Nueva et les centaines de sympathisants, souvent
venus en famille, exultaient lorsque leur candidate, Laura Mintegi,
leur a promis de «gagner l'indépendance». Les indépendantistes
connaissent leur force. Si, comme le promettent les sondages, le PNV
n'atteint pas la majorité absolue, Urkullu devra chercher d'autres
appuis au Parlement régional. Et si le PNV l'appelle à la rescousse,
EH Bildu pourrait monnayer son soutien au prix fort.

À Madrid, les responsables politiques ne cachent pas leur inquiétude.
Une tenaille séparatiste, tenue d'une main par les Basques, de l'autre
par les Catalans, risquerait de rompre l'Espagne, disent-ils en
substance. La droite au gouvernement, la gauche dans l'opposition, et
même le roi Juan Carlos… tous ou presque lancent un même appel à
l'unité face à la crise.
La septième priorité des Basques

Le PNV, pourtant, formule un discours conciliant. «L'inquiétude
principale des citoyens, c'est la crise économique, explique ainsi
Iñaki Goikoetxeta, l'un des membres de l'organe exécutif du parti. La
réforme du statut politique de la communauté autonome n'arrive qu'au
troisième rang des axes de notre programme, après la relance de
l'économie et la consolidation de la paix.» Cette réforme, fixée à
l'horizon 2015, prévoit d'inclure le «droit de décider» dans le
Statut, la «mini Constitution» régionale qui répartit les compétences
entre l'Espagne et le Pays basque. «Nous voulons reconnaître le droit
des Basques de décider de leur relation avec l'Espagne, il ne s'agit
pas d'un divorce», précise Goikoetxeta.

Conseillère régionale de l'Éducation dans le gouvernement sortant, la
socialiste Isabel Celaá dénonce «des euphémismes». «Ils parlent d'un
nouveau Statut, mais nous savons que derrière ce déguisement, se cache
un projet qui dépasse le cadre légal», avertit-elle. Le PNV se garde
bien de tracer un parallélisme avec la situation catalane. «Ils ont
inclus l'idée d'une réforme du Statut pour couvrir leur aile
indépendantiste, explique Santos. Mais l'irruption du sujet catalan
n'était pas prévue au programme.»

Les situations, de fait, sont différentes. «Le détonateur de la crise
catalane, c'est le système fiscal, analyse Florencio Domínguez,
directeur de l'agence Vasco Press. Les Catalans réclamaient
précisément le système qui est en place au Pays basque.» L'identité du
Pays basque, ses relations avec Madrid, touche à l'ADN du PNV… Le
sujet, cependant, intéresse assez peu les électeurs. Selon un sondage
du quotidien El Correo, l'indépendance serait la septième priorité des
Basques, loin derrière le chômage, la situation économique ou la
santé. En outre, seuls 17 % des Basques se montreraient favorables à
la sécession, 38 % se contenteraient d'une reconnaissance du «droit de
décider» et 35 % seraient satisfaits de la situation actuelle.

Les nationalistes semblent conscients de ces réalités. «Le PNV a fait
comme Mariano Rajoy lors des élections générales en novembre 2011,
poursuit Domínguez: suivre un scénario préparé à l'avance, et ne
commettre aucune erreur.» Les détails du film dépendront de la
répartition des rôles entre chacun des acteurs. Les pactes entre les
partis détermineront l'orientation du gouvernement basque et ses
rapports avec Madrid. Mais Urkullu fera tout pour défendre le rôle
qu'on lui a promis: celui de personnage principal.
Une normalité extraordinaire

À Bilbao, près du Musée Guggenheim, la majorité des passantes
arboraient des roses rouges samedi dernier. À quelques mètres, les
militants du Parti socialiste d'Euskadi (PSE) distribuaient, avec le
sourire, l'emblème de leur formation. Le programme électoral était
habilement enroulé autour des épines.

Dans la Parte Vieja - la vieille ville - de Saint-Sébastien, c'est
le Parti populaire (PP, droite) qui, quelques jours auparavant, avait
organisé un meeting en plein air. Dans les rues des villes et des
villages de la région, les véhicules aux couleurs des partis hurlent
les hymnes et les slogans électoraux de chaque formation… Bref, cette
campagne électorale est une campagne normale. Et après trente ans de
terrorisme et plus de 800 personnes assassinées par l'organisation
séparatiste ETA, cette normalité est extraordinaire.

Jusqu'à il y a peu, lors des dernières élections en 2009 par exemple,
ni le PP ni le PSE ne s'aventuraient dans la Parte Vieja. Le quartier
est un fief de l'Izquierda abertzale, la mouvance politique proche
d'ETA. Les meetings étaient organisés dans des salles fermées, plus
faciles à sécuriser. Depuis, les etarras ont abandonné la lutte
armée, par un communiqué publié il y a tout juste un an, le 20 octobre
2011. La droite et la gauche espagnoles reconnaissent leur soulagement
de faire campagne librement.

http://www.lefigaro.fr/international/2012/10/19/01003-20121019ARTFIG00615-pays-basque-les-nationalistes-reprennent-la-main.php

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